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Qu’est-ce qu’un écosystème ? 

La notion d’écosystème est avant tout un concept scientifique1. A.G. Tansley, un botaniste britannique pionnier en écologie, le premier employa ce terme dans un article resté fameux : The Use and Abuse of Vegetational concepts and Terms2, publié en 1935 dans la revue Ecology où il donnait une première définition. Peu après, en 1942, Raymond L. Lindeman publia un article, qu’on tient encore aujourd’hui pour l’article fondateur de l’écosystème, intitulé: The Trophic-Dynamic Aspect of Ecology3. Enfin, paraît en 1953, l’ouvrage magistral « Fundamentals of Ecology » de Eugene Odum qui assoit les bases de l’étude des écosystèmes. Dès le deuxième chapitre, il déploie une définition assez circonstanciée d’un écosystème dont les différentes dimensions seront précisées au fil de l’ouvrage. Cette définition systématique, relativement complète et stable depuis est toujours actuelle. Si elle permet l’identification et l’individualisation d’unités d’observation dans la nature, elle n’en demeure pas moins scientifique, abstraite et difficile à visualiser pour le grand public. Aussi convient-il de recourir à une autre définition, dans le sillage de celle d’Odum, bien plus illustrative et didactique donnée quelque 44 ans après par B. Fischesser et M.F. Dupuis-Tate dans Le Guide illustré de l’écologie :

 

Que l’on observe attentivement un lac ou une forêt naturelle, on se rend compte que l’ensemble des animaux et des végétaux qui y vivent associés ne résultent pas du seul hasard. Il ne s’agit pas de simples collections temporaires d’êtres réunis fortuitement. Au contraire, chacun semble assurer un rôle complémentaire de ceux des autres ; l’algue du plancton et la feuille captent l’énergie solaire, le poisson herbivore et le chevreuil mettent cette énergie stockée en circulation, le chironome et le ver de terre s’emploient à décomposer la matière organique accumulée dans le fond du lac et dans l’humus.

 

La faune et la flore de ces deux milieux forment des ensembles cohérents et équilibrés, dotés d’une solide capacité de régulation. Les participants de ces communautés vivantes dépendent les uns des autres, tels les organes de super-organismes. Mais ces communautés ne peuvent être isolées de l’air qui les baigne, du sol qui les supporte et dont elles tirent de l’eau et des éléments minéraux, bref de leur biotope. A cet ensemble fonctionnel qui inclut les êtres vivants, leurs interactions entre eux et avec le milieu physique qu’ils exploitent, on donne le nom d’écosystème. Unité structurale élémentaire de la biosphère, à l’image de la cellule d’un corps humain, l’écosystème est une portion de notre planète qui présente un caractère d’homogénéité à la fois biologique et topographique et qui est douée d’une autonomie plus ou moins relative. En effet, même un lac ne peut être isolé des terres voisines où les eaux de ruissellement arrachent des éléments minéraux ; par ailleurs le vent y dépose les feuilles des arbres voisins, le héron y prélève des poissons4...

 

Un lac, une forêt, une tourbière, une île, un glacier, un désert, une rivière ou un fleuve avec leurs bassins versants ou encore une bande littorale forment autant d’écosystèmes. Cependant, il ne faut pas omettre que les villes et leurs banlieues, des pièces d’eau, des terrils, des paysages reconstitués, des surfaces cultivées industriellement ou encore des jardins et des potagers sont tout aussi bien des écosystèmes, cette fois des unités structurales artificielles inscrite dans la biosphère.

La notion d’écosystème a rapidement débordé de son champ scientifique d’origine, l’écologie. Elle a été reprise par des économistes, des hommes politiques, des juristes ou encore des institutions internationales qui l’ont appliquée à bien d’autres objets qu’un découpage pertinent d’unités cohérentes dans la nature. Bref, elle est entrée dans un vocabulaire général pour désigner des structures complexes dont les éléments interagissent, sont interdépendants et tendent vers un équilibre.

Ainsi, c’est au regard et en lien avec la notion d’écosystème et son histoire que le concept d’écocide se développera tout d’abord suscité par une manière inédite de pratiquer la guerre au Vietnam par les Etats-Unis puis par des pratiques violentes à prétention scientifique d’aménagement et de valorisation de territoires et de la nature.

1 Nous suivrons pour cet aspect du concept A.J. Willis, The ecosystem : an evolving concept viewed historically, Functional Ecology, 1997, 11, pp. 268-271

2The Use and Abuse of Vegetational concepts and Terms, Ecology, Vol 16, N°3, juillet 1935, pp. 284-307

3 The Trophic-Dynamic Aspect of Ecology, Ecology, Vol 23, N°4, octobre 1942, pp. 399-417

4 Bernard Fischesser & Marie-France Dupuis – Tate, Le Guide illustré de l’écologie, 1996, rééd. 2007, Éditions La Martinière – QUAE Éditions, p.241