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« À travers le désert Dieu nous guide vers la liberté  » : message du Pape pour le Carême 2024

Chers frères et sœurs !

Lorsque notre Dieu se révèle, il communique la liberté : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » (Ex 20, 2). C’est ainsi que s’ouvre le Décalogue donné à Moïse sur le mont Sinaï. Le peuple sait bien de quel exode Dieu parle : l’expérience de l’esclavage est encore gravée dans sa chair. Il reçoit les dix consignes dans le désert comme un chemin vers la liberté. Nous les appelons « commandements », pour souligner la force de l’amour avec lequel Dieu éduque son peuple. Il s’agit en effet d’un appel vigoureux à la liberté. Il ne se réduit pas à un seul événement, car il mûrit au cours d’un cheminement. De même qu’Israël dans le désert conserve encore en lui l’Égypte – en fait, il regrette souvent le passé et murmure contre le ciel et contre Moïse – de la même façon, aujourd’hui, le peuple de Dieu garde en lui des liens contraignants qu’il doit choisir d’abandonner. Nous nous en rendons compte lorsque nous manquons d’espérance et que nous errons dans la vie comme sur une lande désolée, sans terre promise vers laquelle tendre ensemble. Le Carême est le temps de la grâce durant lequel le désert redevient – comme l’annonce le prophète Osée – le lieu du premier amour (cf. Os 2, 16-17). Dieu éduque son peuple pour qu’il sorte de l’esclavage et expérimente le passage de la mort à la vie. Comme un époux, il nous ramène à lui et murmure à notre cœur des paroles d’amour.

L’exode de l’esclavage vers la liberté n’est pas un chemin abstrait. Pour que notre Carême soit aussi concret, la première démarche est de vouloir voir la réalité. Lorsque, dans le buisson ardent, le Seigneur attira Moïse et lui parla, il se révéla immédiatement comme un Dieu qui voit et surtout qui écoute : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 7-8). Aujourd’hui encore, le cri de tant de frères et sœurs opprimés parvient au ciel. Posons-nous la question : est-ce qu’il nous parvient à nous aussi ? Nous ébranle-t-il ? Nous émeut-il ? De nombreux facteurs nous éloignent les uns des autres, en bafouant la fraternité qui, à l’origine, nous liait les uns aux autres.

Lors de mon voyage à Lampedusa, j’ai opposé à la mondialisation de l’indifférence deux questions de plus en plus actuelles : « Où es-tu ? » (Gn 3, 9) et « Où est ton frère ? » (Gn 4, 9). Le parcours de Carême sera concret si, en les écoutant à nouveau, nous reconnaissons que nous sommes encore sous la domination du Pharaon. Une domination qui nous épuise et nous rend insensibles. C’est un modèle de croissance qui nous divise et nous vole l’avenir. La terre, l’air et l’eau en sont pollués, mais les âmes sont elles aussi contaminées. En effet, bien que notre libération ait commencé avec le baptême, il subsiste en nous une inexplicable nostalgie de l’esclavage. C’est comme une attirance vers la sécurité du déjà vu, au détriment de la liberté.

l'exodeJe voudrais souligner, dans le récit de l’Exode, un détail qui n’est pas sans importance : c’est Dieu qui voit, qui s’émeut et qui libère, ce n’est pas Israël qui le demande. Le Pharaon, en effet, anéantit même les rêves, vole le ciel, fait apparaître comme immuable un monde où la dignité est bafouée et où les relations authentiques sont déniées. En un mot, il réussit à enchaîner à lui-même. Posons-nous la question : est-ce que je désire un monde nouveau ? Suis-je prêt à me libérer des compromis avec l’ancien ? Le témoignage de nombreux frères évêques et d’un grand nombre d’artisans de paix et de justice me convainc de plus en plus à devoir dénoncer un défaut d’espérance. Il s’agit d’un obstacle au rêve, d’un cri muet qui monte jusqu’au ciel et touche le cœur de Dieu et ressemble à ce regret de l’esclavage qui paralyse Israël dans le désert, en l’empêchant d’avancer. L’exode peut prendre fin : autrement, on ne pourrait pas expliquer pourquoi une humanité qui a atteint le seuil de la fraternité universelle et des niveaux de développement scientifique, technique, culturel et juridique capables d’assurer la dignité de tous, tâtonne dans l’obscurité des inégalités et des conflits.

Dieu ne s’est pas lassé de nous. Accueillons le Carême comme le temps fort durant lequel sa Parole s’adresse de nouveau à nous : «  Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » (Ex 20, 2). C’est un temps de conversion, un temps de liberté. Jésus lui-même, comme nous le rappelons chaque année à l’occasion du premier dimanche de Carême, a été conduit par l’Esprit au désert pour être éprouvé dans sa liberté. Pendant quarante jours, il sera devant nous et avec nous : il est le Fils incarné. Contrairement au Pharaon, Dieu ne veut pas des sujets, mais des fils. Le désert est l’espace dans lequel notre liberté peut mûrir en une décision personnelle de ne pas retomber dans l’esclavage. Pendant le Carême, nous trouvons de nouveaux critères de jugement et une communauté avec laquelle nous engager sur une route que nous n’avons jamais parcourue auparavant.

Cela implique une lutte : le livre de l’Exode et les tentations de Jésus dans le désert nous le disent clairement. À la voix de Dieu, qui dit : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie » (Mc 1, 11) et « Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi » (Ex 20, 3), s’opposent en effet les mensonges de l’ennemi. Les idoles sont plus redoutables que le Pharaon : nous pourrions les considérer comme sa voix en nous. Pouvoir tout faire, être reconnu par tous, avoir le dessus sur tout le monde : chaque être humain ressent en lui la séduction de ce mensonge. C’est une vieille habitude. Nous pouvons nous accrocher ainsi à l’argent, à certains projets, à des idées, à des objectifs, à notre position, à une tradition, voire à certaines personnes. Au lieu de nous faire avancer, elles nous paralyseront. Au lieu de nous rapprocher, elles nous opposeront. Mais il y a une nouvelle humanité, le peuple des petits et des humbles qui n’a pas succombé à l’attrait du mensonge. Alors que les idoles rendent muets, aveugles, sourds, ou immobiles ceux qui les servent (cf. Ps 114, 4), les pauvres en esprit sont immédiatement ouverts et prêts : une silencieuse force de bien qui guérit et soutient le monde.

Il est temps d’agir, et durant le Carêmeagir c’est aussi s’arrêter. S’arrêter en prièrepour accueillir la Parole de Dieu, et s’arrêter comme le Samaritainen présence du frère blessé. L’amour de Dieu et du prochain est un unique amour. Ne pas avoir d’autres dieux, c’est s’arrêter en présence de Dieu, devant la chair de son prochain. C’est pourquoi la prière, l’aumône et le jeûne ne sont pas trois exercices indépendants, mais un seul mouvement d’ouverture, de libération : finies les idoles qui nous alourdissent, finis les attachements qui nous emprisonnent. C’est alors que le cœur atrophié et isolé s’éveillera. Alors, ralentir et s’arrêter. La dimension contemplative de la vie, que le Carême nous fera ainsi redécouvrir, mobilisera de nouvelles énergies. En présence de Dieu, nous devenons des frères et des sœurs, nous percevons les autres avec une intensité nouvelle : au lieu de menaces et d’ennemis, nous trouvons des compagnons et des compagnes de route. C’est le rêve de Dieu, la terre promise vers laquelle nous tendons une fois sortis de l’esclavage.

La forme synodale de l’Église, que nous redécouvrons et cultivons ces dernières années, suggère que le Carême soit aussi un temps de décisions communautaires, de petits et de grands choix à contre-courant, capables de changer la vie quotidienne des personnes et la vie d’un quartier : les habitudes d’achat, le soin de la création, l’inclusion de celui qui n’est pas visible ou de celui qui est méprisé. J’invite chaque communauté chrétienne à faire cela : offrir à ses fidèles des moments pour repenser leur style de vie ; se donner du temps pour vérifier leur présence dans le quartier et leur contribution à le rendre meilleur. Quel malheur si la pénitence chrétienne ressemblait à celle qui attristait Jésus. À nous aussi, il dit : « Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent » (Mt 6, 16). Au contraire, que l’on voie la joie sur les visages, que l’on sente le parfum de la liberté, qu’on libère cet amour qui fait toutes choses nouvelles, en commençant par les plus petites et les plus proches. Cela peut se produire dans chaque communauté chrétienne.

Dans la mesure où ce Carême sera un Carême de conversion, alors l’humanité égarée éprouvera un sursaut de créativité : l’aube d’une nouvelle espérance. Je voudrais vous dire, comme aux jeunes que j’ai rencontrés à Lisbonne l’été dernier : « Cherchez et risquez, cherchez et risquez. À ce tournant de l’histoire, les défis sont énormes, les gémissements douloureux. Nous assistons à une troisième guerre mondiale par morceaux. Prenons le risque de penser que nous ne sommes pas dans une agonie, mais au contraire dans un enfantement ; non pas à la fin, mais au début d’un grand spectacle. Il faut du courage pour penser cela » ( Rencontre avec les jeunes universitaires, 3 août 2023). C’est le courage de la conversion, de la délivrance de l’esclavage. La foi et la charité tiennent la main de cette « petite fille espérance ». Elles lui apprennent à marcher et elle, en même temps, les tire en avant [1].

Je vous bénis tous ainsi que votre cheminement de Carême.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 3 décembre 2023, 1er dimanche de l’Avent.

FRANÇOIS



Février 2024

Message du Pape François pour la 32e Journée Mondiale du Malade

Message du Pape François pour la 32e Journée Mondiale du Malade le 11 février 2024. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Soigner le malade en soignant les relations. »

 

Chers frères et sœurs,

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Dès le début, Dieu, qui est amour, a créé l’être humain pour la communion, en inscrivant dans son être la dimension des relations. Ainsi, notre vie, modelée à l’image de la Trinité, est appelée à se réaliser pleinement dans le dynamisme des relations, de l’amitié et de l’amour réciproque. Nous sommes créés pour être ensemble, et non pour être seuls. Et c’est justement parce que ce projet de communion est inscrit si profondément dans le cœur de l’homme que l’expérience de l’abandon et de la solitude nous effraie et est douloureuse, voire inhumaine. Elle l’est encore plus dans les moments de fragilité, d’incertitude et d’insécurité, souvent provoqués par l’apparition d’une maladie grave.

Je pense, par exemple, à ceux qui se sont retrouvés terriblement seuls durant la pandémie de Covid-19 : les patients qui ne pouvaient pas recevoir de visites, mais aussi les infirmiers, les médecins et le personnel de soutien, tous débordés et enfermés dans des salles d’isolement. Et bien sûr, n’oublions pas ceux qui ont dû affronter l’heure de la mort tout seuls, soignés par le personnel de santé mais loin de leurs familles.

En même temps, je partage avec douleur la détresse et la solitude de ceux qui, à cause de la guerre et de ses conséquences tragiques, se retrouvent sans soutien ni assistance : la guerre est la plus terrible des maladies sociales et les personnes les plus fragiles en paient le prix le plus élevé.

Il faut cependant souligner que même dans les pays qui jouissent de la paix et de ressources plus importantes, le temps de la vieillesse et de la maladie est souvent vécu dans la solitude et parfois même dans l’abandon. Cette triste réalité est avant tout une conséquence de la culture de l’individualisme, qui exalte la performance à tout prix et cultive le mythe de l’efficacité, devenant indifférente et même impitoyable lorsque les personnes n’ont plus la force nécessaire pour suivre le rythme. Elle devient alors une culture du rejet, dans laquelle « les personnes ne sont plus perçues comme une valeur fondamentale à respecter et à protéger, surtout celles qui sont pauvres ou avec un handicap, si elles “ne servent pas encore” – comme les enfants à naître –, ou “ne servent plus” – comme les personnes âgées » (Enc. Fratelli tutti, n. 18). Malheureusement, cette logique imprègne également certains choix politiques, qui ne mettent pas au centre la dignité de la personne humaine et ses besoins, et ne favorisent pas toujours les stratégies et les ressources nécessaires pour garantir à chaque être humain le droit fondamental à la santé et à l’accès aux soins. Dans le même temps, l’abandon des personnes fragiles et leur solitude sont également favorisés par la réduction des soins aux seuls services de santé, sans que ceux-ci soient judicieusement accompagnés d’une “alliance thérapeutique” entre médecin, patient et membre de la famille.

Cela nous fait du bien de réentendre cette parole biblique : il n’est pas bon que l’homme soit seul ! Dieu la prononce au tout début de la création et nous révèle ainsi le sens profond de son projet pour l’humanité mais, en même temps, la blessure mortelle du péché, qui s’introduit en générant soupçons, fractures, divisions et, donc, isolement. Il affecte la personne dans toutes ses relations : avec Dieu, avec elle-même, avec les autres, avec la création. Cet isolement nous fait perdre le sens de l’existence, nous prive de la joie de l’amour et nous fait éprouver un sentiment oppressant de solitude dans tous les passages cruciaux de la vie.

Frères et sœurs, le premier soin dont nous avons besoin dans la maladie est une proximité pleine de compassion et de tendresse. Prendre soin de la personne malade signifie donc avant tout prendre soin de ses relations, de toutes ses relations : avec Dieu, avec les autres – famille, amis, personnel soignant –, avec la création, avec soi-même. Est-ce possible ? Oui, c’est possible et nous sommes tous appelés à nous engager pour que cela devienne réalité. Regardons l’icône du Bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37), sa capacité à ralentir son rythme et à se faire proche, la tendresse avec laquelle il soulage les blessures de son frère souffrant.

Rappelons-nous cette vérité centrale de notre vie : nous sommes venus au monde parce que quelqu’un nous a accueillis, nous sommes faits pour l’amour, nous sommes appelés à la communion et à la fraternité. Cette dimension de notre être nous soutient particulièrement dans les moments de maladie et de fragilité, et c’est la première thérapie que nous devons adopter tous ensemble pour guérir les maladies de la société dans laquelle nous vivons.

À vous qui vivez la maladie, qu’elle soit passagère ou chronique, je voudrais dire : n’ayez pas honte de votre désir de proximité et de tendresse ! Ne le cachez pas et ne pensez jamais que vous êtes un fardeau pour les autres. La condition des malades nous invite tous à freiner les rythmes exaspérés dans lesquels nous sommes plongés et à nous redécouvrir.

Dans ce changement d’époque que nous vivons, nous, chrétiens, sommes particulièrement appelés à adopter le regard compatissant de Jésus. Prenons soin de ceux qui souffrent et qui sont seuls, peut-être marginalisés et rejetés. Avec l’amour mutuel, que le Christ Seigneur nous donne dans la prière, en particulier dans l’Eucharistie, guérissons les blessures de la solitude et de l’isolement. Et ainsi, coopérons pour contrer la culture de l’individualisme, de l’indifférence, du rejet, et pour faire grandir la culture de la tendresse et de la compassion.

Les malades, les fragiles, les pauvres sont au cœur de l’Église et doivent aussi être au centre de nos attentions humaines et de nos sollicitudes pastorales. Ne l’oublions pas ! Et confions-nous à la Très Sainte Vierge Marie, Santé des malades, pour qu’elle intercède pour nous et nous aide à être des artisans de proximité et de relations fraternelles.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 10 janvier 2024

FRANÇOIS

 


 

14 novembre 2023

 

Message des évêques de France aux jeunes
« Joyeux dans l’espérance » (Rm 12, 12)

Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, les évêques de France ont souhaité s’adresser aux jeunes et les remercier d’avoir répondu présents si nombreux lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne cet été. Touchés par leur soif spirituelle, leur joie et leur prière, ils veulent, par ce message décliné sous forme de lettre et de vidéo, les encourager à témoigner de ce qu’ils ont vécu, à poursuivre leur chemin sur la route de l’Évangile et à être des disciples missionnaires.

Retrouvez ci-dessous la lettre des évêques de France aux jeunes, ainsi que leur message vidéo.

Chers Jeunes de France,

Merci d’avoir répondu présents lors des Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne. Nous nous sommes réjouis de vous voir si nombreux. Quelle joie d’avoir été ensemble ! Nous avons été touchés par votre soif, votre joie et aussi votre prière pour nous. Nous vous encourageons à témoigner de ce que vous avez vécu. Réunis en Assemblée plénière à Lourdes, nous les évêques de France, nous voyons l’Esprit-Saint à l’œuvre en vous. Vous étiez pèlerins de la foi et chercheurs de Dieu. Poursuivez votre chemin sur la route de l’Évangile. Elle conduit au bonheur. Merci pour votre témoignage, votre engagement et votre espérance.

Nous le croyons fermement, le Seigneur s’adresse personnellement à chacun de vous : à toi jeune catholique engagé, à toi catéchumène en chemin, à toi qui doutes de Dieu et qui n’as pas entendu parler du Christ, et à toi qui trouves l’Église trop loin de tes préoccupations. À chacun nous disons : tu es appelé par ton nom, tu es aimé de Dieu et le Seigneur te fait confiance ! Ne crains pas de marcher avec Lui.

Souvent, vous nous le dites : les situations du monde, l’état de notre planète, le mauvais témoignage de chrétiens, mais aussi les épreuves personnelles, tout cela suscite angoisse, colère ou incompréhension. Oui, nous entendons vos cris et vos silences. Avec le pape François, nous vous redisons : n’ayez pas peur d’être « assoiffés de l’intérieur, inquiets, inachevés, avides de sens et d’avenir ». Ne restez pas seuls, bâtissez des ponts et tissez la fraternité. Les réponses faciles anesthésient. Mais vous, cherchez et risquez ! Avec d’autres, prenez le temps pour lire les Écritures et connaître la Tradition et le Magistère : entrer dans l’intelligence de la foi par le service et l’étude ouvre les cœurs à l’Espérance.

Nous sommes témoins de vos initiatives et de vos engagements. Nous sommes impressionnés par vos capacités de mobilisation dans des domaines très divers : solidarité, écologie, soin des pauvres, dignité de la personne, unité des chrétiens, liturgie…Cet été aux JMJ, durant le « Temps des Français » à Lisbonne, vous avez été des milliers à prendre différents engagements : travailler à l’unité dans l’Église, servir le petit et le pauvre, annoncer le Christ. Nous vous remercions pour votre oui. C’est maintenant le temps de l’action avec l’aide de l’Esprit-Saint.

Étudiants et jeunes professionnels, dans les grandes métropoles, le rural ou les quartiers populaires de nos villes, continuez d’apporter votre contribution. De nombreux prêtres, religieuses, laïcs vous accompagnent avec générosité. Vous êtes les premiers acteurs de la mission dans vos groupes, vos aumôneries. Déployez les charismes que l’Esprit-Saint vous donne et prenez votre place. Votre vocation est belle. Que le Seigneur vous donne de construire des familles qui témoignent de sa bonté. Et si certains entendent l’appel à la vie religieuse ou sacerdotale, réjouissez-vous ! Nous demandons au Seigneur que fleurissent parmi vous de nombreuses et saintes vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, le monde en a besoin.

Chers Jeunes, aimez le Christ ! C’est lui le roc de nos vies : ouvrez-lui votre cœur, savourez ses paroles, prenez le temps de le prier et de l’adorer. Chers Jeunes, aimez l’Église ! Elle n’est pas sans tache et elle n’est pas sans ride. Mais le Christ l’aime comme son épouse et nous l’aimons comme notre mère. Et dans cette Église il y a de la place pour tous ! « Et quand la place manque, s’il vous plait, faites de la place : y compris pour ceux qui se trompent, ceux qui tombent, ceux qui traversent des difficultés. »

Comme le Cardinal Aveline le disait à Lisbonne cet été : « Jeunes de France, la France a toujours été un pays de missionnaires. À votre tour d’être des disciples, à votre tour d’être des missionnaires. »

Ensemble, sur ce chemin de la mission et de la sainteté,

Les évêques de France



« Ô Mort, où est ta victoire ? », lettre pastorale des évêques de France aux fidèles catholiques

Chers frères et sœurs,

« Ô Mort, où est ta victoire ? » Cette question vient du fond des âges. Elle surgit de l’élan de vie déposé en chaque être humain lorsqu’il se révolte devant la mort. Car celle-ci lui apparaît en quelque sorte inhumaine.

Pour le croyant, la question semble jaillir de Dieu lui-même ! En effet, Dieu, le Maître de la vie, ne peut pas laisser la mort engloutir la vie : « Dieu n’a pas fait la mort », lisons-nous dans les Écritures d’Israël [1].

Pour le chrétien, l’interrogation est comme une réponse à notre inquiétude, selon la catéchèse de l’apôtre saint Paul sur la résurrection. Elle confirme l’espérance des prophètes annonçant que la mort sera vaincue :

 

La mort a été engloutie dans la victoire.

Ô mort, où est ta victoire ?

Ô mort, où est-il, ton aiguillon ? (1 Co 15,54b-55).

 

L’énigme de la mort et de la souffrance

La mort touche et interroge chacun d’entre nous. Mort d’un proche âgé s’éteignant doucement. Mort d’une personne enfin soulagée d’une grave maladie. Mort, tellement scandaleuse, d’un enfant, d’un jeune ou d’une personne très aimée, victime précoce d’une maladie, d’une épidémie ou d’un accident. Mort occasionnée par un attentat ou par la guerre. La mort est là, inévitable, avec souvent son cortège de souffrances. Spontanément, on peut dire qu’elle effraie. Oui, nous ne sommes pas faits pour la mort !

 

Les évêques du monde entier réunis au Concile Vatican II constataient : « C’est en face de la mort que l’énigme de la condition humaine atteint son sommet. L’homme n’est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais plus encore, par la peur d’une destruction définitive. Et c’est par une juste inspiration de son cœur qu’il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d’éternité qu’il porte en lui, irréductible à la seule matière, s’insurge contre la mort [2]. »

Ces mêmes évêques affirmèrent aussi : « L’Église croit que le Christ, mort et ressuscité pour tous, offre à l’homme, par son Esprit, lumière et forces pour lui permettre de répondre à sa très haute vocation[3]. »

Ainsi, c’est en restant lucides sur notre propre peur tout en mettant notre foi en Jésus mort et ressuscité, que nous devons accueillir la question posée au sein de notre société : peut-on aider activement une personne à mourir ? Peut-on demander à quelqu’un d’aider activement à mourir ? En osant regarder la mort avec Jésus, le Christ, nous pouvons amorcer une réponse.

 

« Notre sœur la mort »

Chaque année, le 2 novembre, la liturgie invite à commémorer les fidèles défunts. Tout au long du mois de novembre, nous prions plus intensément pour eux. Cette prière ravive parfois notre souffrance, elle redit aussi notre foi pleine d’espérance : la mort est un passage, le passage le plus important depuis notre venue à la vie.

Pourquoi prions-nous pour les morts sinon parce que nous croyons que la mort est un passage de la vie en ce monde à la vie éternelle avec Dieu ? Nous prions parce que nous voulons que nos défunts connaissent le bonheur éternel. Car, nous le savons, l’âme est « spirituelle et immortelle [4] » et « le désir du bonheur s’accomplit dans la vision et la béatitude de Dieu [5] ». Ce passage, nous le regardons comme l’ultime « pâque » de nos vies. Ce passage est éclairé par la Pâque de Jésus : Il est tout entier passé de la mort à la vie. Sa résurrection l’atteste pleinement. C’est pourquoi saint Paul peut affirmer : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 17).

Saint François d’Assise termine son ode à la Création en osant chanter : « Loué sois-tu pour notre sœur la mort corporelle à qui nul homme vivant ne peut échapper. » Même si notre société cache la mort et la regarde peu en face, celle-ci est la compagne de nos vies et nous rappelle fraternellement son issue. En Jésus-Christ, « premier-né d’entre les morts » (Col 1,18 ; Ap 1,5), la mort devient bienheureuse. « Dans le Christ, tous recevront la vie », enseigne saint Paul (1 Co 15,22). Telle est la magnifique espérance chrétienne.

La mort, nous l’évoquons souvent, à chaque fois que nous prions le Je vous salue Marie : « Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous […] maintenant et à l’heure de notre mort. » Les auteurs spirituels disent qu’il y a deux jours importants dans notre vie : l’aujourd’hui et celui de notre mort. À la lumière de l’Évangile, ces deux moments acquièrent une belle densité. Chaque matin, il est beau de dire au Seigneur « me voici », comme la bienheureuse Vierge Marie au jour de l’Annonciation : « Fiat, que tout m’advienne selon ta parole » (Lc 1,38). Chaque soir aussi, au seuil de la nuit comme au seuil de la mort, il est également beau de dire avec le vieillard Siméon, tout à la joie de la rencontre avec son Sauveur : « Maintenant, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix … » (Lc 2,29),

 

La science et la foi contre la douleur et la souffrance

Déjà en 1965, le Concile Vatican II, confiant dans les progrès de la science, remarquait : « Toutes les tentatives de la technique, si utiles qu’elles soient, sont impuissantes à calmer l’anxiété de l’être humain : car le prolongement de la vie que la biologie procure ne peut satisfaire ce désir d’une vie ultérieure, invinciblement ancré dans son cœur [6]. »

Aujourd’hui, la science médicale a progressé. Non seulement, elle permet des avancées dans le soin, mais elle est aussi de plus en plus capable de soulager la douleur physique et, parfois, psychique. L’Église salue ces progrès lorsqu’« on veut simplement atténuer la douleur de manière efficace en recourant aux analgésiques, dont la médecine permet de disposer [7] ». Cela peut contribuer à atténuer des souffrances existentielles et même spirituelles.

Le développement des soins palliatifs est un gain important de notre époque. D’une manière très heureuse, ces soins allient compétence médicale, accompagnement humain grâce à une relation de qualité entre équipe soignante, patient et proches, et respect de la personne dans sa globalité avec son histoire et ses désirs, y compris spirituels. Grâce à ces soins, les familles peuvent mieux accompagner ceux qui, dans des circonstances douloureuses, s’approchent du grand passage de la mort. Nous encourageons la recherche et le développement des soins palliatifs afin que chaque personne en fin de vie puisse en bénéficier [8], aussi bien à son domicile que dans un EHPAD ou à l’hôpital. Chers frères et sœurs, il est bon que chacun de vous s’informe sur les soins palliatifs [9] pour bien accompagner l’un de vos proches qui en aurait besoin.

Dans certains cas cependant, la souffrance paraît insupportable, en particulier quand les traitements semblent impuissants. Il arrive aussi qu’une maladie incurable plonge la personne dans une angoisse ou un mal de vivre auxquels elle veut mettre fin. Notre foi est alors mise au défi de ces situations qui soulèvent des interrogations légitimes.

L’« aide active à mourir » permettrait évidemment de supprimer toute souffrance, mais elle franchirait l’interdit que l’humanité trouve au fond de son être et que confirme la Révélation de Dieu sur la montagne : « Tu ne tueras pas » (Ex 20,13 ; Dt 5,17). Donner la mort pour supprimer la souffrance n’est ni un soin ni un accompagnement : c’est au contraire supprimer la personne souffrante et interrompre toute relation. C’est « une grave violation de la Loi de Dieu [10] ». C’est une grave transgression d’un interdit qui structure notre vie sociale : nos sociétés se sont organisées en restreignant toute atteinte à la vie d’autrui. Pratiquer l’« aide active à mourir » est et sera la cause d’autres souffrances, en particulier celle du remords et de la culpabilité qui rongent insidieusement le cœur de l’être humain ayant consenti à faire mourir son semblable, jusqu’à ce qu’il rencontre la miséricorde du Dieu Vivant.

 

Le choix de la fraternité

Notre foi nous convie à une autre attitude : par elle nous choisissons l’accompagnement, envers et contre tout. La fraternité du bon Samaritain qui prend soin de son frère « à demi-mort » nous inspire ce chemin (Lc 10,33-35). La fraternité invite à nous entraider pour garder la force d’accompagner avec délicatesse, fidélité et douceur.

En lien avec les équipes soignantes, nous pouvons vivre cet accompagnement avec patience. L’agonie, c’est-à-dire les derniers moments de la vie, peut être plus ou moins longue, plus ou moins apaisée, plus ou moins dramatique. La tradition chrétienne connaît des gestes variés pour l’accompagner de manière humaine, vraiment fraternelle : les psaumes, la prière commune, mais aussi le fait de rester près d’une personne en fin de vie, sans se lasser.

L’accompagnement, pour alléger la douleur, peut aller jusqu’à la sédation. Cette sédation est souvent intermittente et doit être proportionnée. De façon rare, l’équipe soignante peut estimer juste d’accueillir la demande d’un patient de recevoir une sédation continue jusqu’au décès ou bien de l’envisager avec les proches, lorsque le patient ne peut plus exprimer sa volonté [11]. Il ne s’agit pas alors de donner la mort mais d’apaiser la souffrance. Ces décisions, toujours collégiales, doivent être prises dans un échange délicat avec les proches, notamment pour laisser le temps de vrais adieux, autant que possible.

Il est alors beau « de « savoir demeurer », de veiller avec ceux qui souffrent de l’angoisse de mourir, de « consoler », c’est-à-dire d’être avec dans la solitude, d’être une présence partagée qui ouvre à l’espérance [12]. » Il est beau de préparer le malade à voir Dieu. La présence de l’aumônier est importante. Quand cela est possible et correspond à la situation religieuse du patient en fin de vie, la célébration des sacrements de la Réconciliation, de l’Onction des malades et de l’Eucharistie est une étape très belle. N’oublions pas la communion reçue en viatique, c’est-à-dire au moment du passage vers le Père : elle est plus que jamais « semence de vie éternelle et puissance de résurrection » [13]. Et en tous les cas, la prière auprès d’un mourant, même silencieuse, n’a pas de prix pour nous qui croyons en « la communion des saints ».

 

Le baptême, source de vie

Frères et sœurs, mettre la main sur la durée de notre vie, choisir l’heure de notre mort, s’en faire le complice, c’est revenir sur l’engagement pris en notre saint Baptême. En lui, nous avons été plongés dans la mort et la résurrection de Jésus afin que, comme lui, nous vivions une « vie nouvelle » (cf. Rm 6,3-4). Par le Baptême, nous sommes purifiés et consacrés dans l’Esprit Saint pour offrir avec Jésus, chaque instant donné par Dieu durant notre vie sur la terre. La vie nouvelle des disciples de Jésus est celle de « l’amour » (cf. Rm 13,8-10), amour pour Dieu et pour notre prochain (cf. Mt 22,36-40). Se préparer à la mort, c’est, avec la grâce de Dieu, aimer et grandir dans l’amour pour Dieu et pour nos frères et sœurs. « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour », selon le mot de saint Jean de La Croix qu’aime répéter le pape François [14].

Ainsi, notre Baptême est la vraie source de nos « directives anticipées [15] », qu’elles soient écrites ou simplement transmises oralement à une « personne de confiance [16] ». Il est bon de nous entraider à vivre, de nous faire mutuellement confiance pour être encouragés à vivre jusqu’au bout dans la dignité des enfants de Dieu.

Nous nous engageons à réfléchir à nos directives anticipées personnelles pour que notre mort ne soit ni volée ni imposée à Dieu, et nous vous invitons à en faire de même. Nous voulons que notre mort soit, grâce à l’Esprit Saint, grâce à la présence des frères et sœurs, grâce à l’accompagnement de la médecine, un passage offert librement où nous remettrons avec gratitude à notre Père des cieux tout ce qu’il nous aura donné. Nous voulons avec son Fils, Jésus, participer à l’offrande du monde, encore souffrant, pour son salut et la gloire de Dieu, en lui offrant tout l’amour vécu ici-bas. Nous voulons qu’elle soit en esprit et en vérité l’ultime pâque à l’image et ressemblance de la Pâque de Jésus. Nous voulons qu’elle soit un acte de confiance en l’infinie miséricorde de notre Dieu plus grand que tout.

Pour cela, comprenons bien la place essentielle de « l’intention » dans les décisions médicales en fin de vie. L’intention est-elle de soulager la souffrance trop dure en ménageant les instants encore à vivre, même si cela peut abréger les jours du malade ? Ou bien l’intention est-elle d’anticiper la mort pour en finir avec la souffrance [17] ? Dieu dit : « Choisis la vie ! » (cf. Dt 30,19). Aidons-nous mutuellement, en écoutant l’avis des soignants, à discerner entre ce qui est soin, hydratation et nourriture dus au malade, même si la mort devient certaine, et ce qui pourrait être acharnement thérapeutique vain et source de souffrance inutile [18]. Oui, aidons-nous à discerner les choix de vie tout en consentant à la mort qui vient.

 

La solidarité humaine

Légaliser le suicide assisté ou l’euthanasie, appelés par euphémisme « aide active à mourir », est une proposition récurrente face à la mort, ou plutôt au désir de mourir. Présentée comme une ouverture voire un progrès, elle a l’apparence d’une liberté plus grande de chaque personne qui, dit-on, a le droit de choisir sa mort en raison de son autonomie [19]. Elle ne nuirait en rien aux autres, est-il ajouté, puisque personne n’y serait obligé.

 

L’envisager ainsi, c’est oublier la dimension éminemment sociale de la mort, et la solidarité humaine qui en découle. Qu’on le veuille ou non, le choix individuel du suicide assisté ou de l’euthanasie engage la liberté d’autrui convoqué à réaliser cette « aide active à mourir ». Il brise de façon radicale l’accompagnement fraternel prodigué ; il transforme profondément la mission des soignants. Il ruine la fécondité du symbole du bon Samaritain qui inspire l’amour, socle d’une « société digne de ce nom [20] ».

 

Vivre la mort comme un choix individuel, à faire ou à ne pas faire, est inhumain. Nous sommes tous des êtres en relation, heureux de nous confier les uns aux autres. C’est dans la confiance en autrui que chacun peut envisager sa mort. Peut-on imaginer ce que vivraient profondément des enfants dont le père ou la mère déciderait que soit mis fin à sa vie ? Que signifierait pour un fils ou une fille de décider ce moment pour sa mère ou son père ne pouvant plus s’exprimer, ou même simplement y contribuer ou refuser d’y contribuer ? Face à la pression que susciterait la possibilité de choisir de mourir, quelle serait la liberté intérieure réelle d’une personne fragilisée par la maladie ? Par ailleurs, comment d’éventuels désaccords familiaux seraient-ils vécus ? Même si un dispositif réglementaire régulait le processus de décision pour choisir sa mort, des proches désunis pourraient-ils trouver la paix du cœur ?

 

Comment ne pas être très attentifs à la situation des personnes atteintes d’un mal incurable, sans être en fin de vie à court terme ? Se voir diminuer est parfois insupportable. D’aucuns réclament de mourir en exprimant le désir de ne pas devenir un poids pour leurs proches. Céder à leur désir peut être présenté comme un acte de fraternité, et en tous les cas, de respect individuel. Cependant, la demande suffit-elle à justifier la solution de la mort ? De plus, le désir de quelques-uns doit-il conduire notre société à proposer la mort à toutes les personnes incurables ? Que vivront-elles si, plus ou moins explicitement, leur est présentée la possibilité de demander à être aidées à mourir ? La dynamique entière du soin en serait gravement déviée.

 

Légiférer en ce sens signifierait imposer à tous de faire un choix individuel. Cela éloignerait de la véritable liberté qui grandit dans la relation et qui suppose d’assumer ce que nous sommes en vérité, des êtres mortels qui ne s’appartiennent pas. Le fait même de proposer un tel choix accentuerait le mal-être de notre société et enfoncerait un peu plus notre humanité dans l’individualisme mortifère. Pour nous, chrétiens, ce serait s’éloigner du dessein sauveur voulu par Dieu : « Rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52).

 

Nous le comprenons, notre foi et notre charité sont et seront sollicitées. Foi et charité éclairent notre chemin et guident nos pas face à la mort et à l’accompagnement dû aux mourants. Elles demandent aussi d’éviter les jugements incompatibles avec le respect dû à chaque personne humaine. Elles donnent le courage de recommencer sans cesse à construire une fraternité, avec la grâce de Dieu et l’aide de la communauté.*

L’aide active à vivre

Nos paroles seront peut-être de peu de poids face aux opinions apparemment dominantes. Pourtant, bon nombre de nos concitoyens s’interrogent devant la question radicale de la mort : « Ô mort, où est ta victoire ? » Ils voudraient tellement que la victoire soit à la vie ! Notre engagement à être ensemble serviteurs de la vie est la réponse à l’appel que Jésus nous adresse en proposant l’attitude du bon Samaritain : « Va, et, toi aussi, fais de même » (Lc 10,37).

 

Sans doute avons-nous à examiner les modalités de la prise en charge personnelle et collective des personnes âgées, afin de leur proposer les meilleures conditions d’une fin de vie digne et d’une bonne approche de la mort. Il serait bon de nous instruire les uns les autres, de nous aimer en vérité et, osons le dire, de nous préparer, sans crainte, à bien mourir.

 

Il convient que chacun se prépare à la maladie et à la mort. On ne le fait pas en s’angoissant, en imaginant le pire, mais en apprenant à profiter de chaque instant pour se rapprocher de Dieu et des autres. Demandons la grâce de comprendre qu’être dépendant n’est pas une déchéance : la condition humaine est belle dans le fait même que nous sommes dépendants les uns des autres. Il y a des moments dans la vie où chacun donne beaucoup, et d’autres où chacun a à recevoir avec reconnaissance.

 

Gratitude et espérance

À ceux qui sont au service de la fin de vie de personnes fragilisées, que ce soit à court terme ou à moyen terme, qu’elles soient âgées ou non, qu’elles soient peut-être des jeunes ou des enfants, nous voulons redire les mots de saint Paul en conclusion de sa prédication sur la résurrection :

 

« Mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue » (1 Co 15,58).

 

Nous vous invitons à faire vôtre ce grand chapitre 15 de la Première Lettre aux Corinthiens sur la résurrection du Christ et sur la résurrection des morts. Nous vous invitons à le méditer en priant l’Esprit Saint de donner à notre société la joie de choisir la vie, de choisir l’aide active à vivre et à bien mourir. Nous vous confions cette Parole de Dieu « afin que vous débordiez d’espérance » (Rm 15,13).

 

« Rendons grâce à Dieu qui donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 15,57), exhorte saint Paul. Nous rendons grâce pour les soignants, les aidants, les aumôniers des hôpitaux et des EPHAD, pour le personnel dévoué, les bénévoles et les visiteurs bienfaisants de nos parents et amis en établissements de santé, et pour les frères et sœurs qui tiennent la main de ceux qui nous quittent, souvent en leur demeurant proche dans le silence. Tous contribuent à la victoire de la paix ! Combien de témoins nous révèlent la fécondité de l’attention aux mourants pour que la paix advienne dans leur âme, et aussi dans le cœur de leurs proches !

 

Pour conclure

Au cours de notre assemblée à Lourdes, nous prions le Seigneur des morts et des vivants pour qu’il accorde à tous et à chacun, à ses fils et ses filles bien-aimés unis par le Baptême à Jésus ressuscité, à tous nos frères et sœurs en humanité, un surcroît de sagesse et aussi la grâce d’une « bonne mort[21] ». « Pour un chrétien, dit le pape François, la bonne mort est une expérience de la miséricorde de Dieu, qui est proche de nous aussi dans ce dernier moment de notre vie. » Il ajoute : « Que saint Joseph nous aide à vivre le mystère de la mort de la meilleure manière possible [22]. »

 

Ici, nous prions le Seigneur pour vous et, plus spécialement, pour ceux qui sont confrontés à une fin de vie souffrante. Nous prions, conscients de ce que le grand débat sur la fin de vie peut faire résonner au plus profond de chacun de nous. Que la Vierge Marie obtienne pour tous le don caché de l’Esprit Saint qui fait discerner la beauté de la vie et la grandeur de la fraternité.

 

À Lourdes, le 8 novembre 2022,

Les évêques de France